Buon Ma Thuot

 

Ce matin nous partons tôt pour rallier Buon Ma Thuot, ville nationale du café au cœur des hauts plateaux du centre du Vietnam, caractérisés par la belle couleur rouge de leur terre très fertile.

Nous allons passer la plus grande partie de la journée dans le bus pour faire environ 400 km.

 

Aujourd’hui, c’est un grand événement sportif pour le Vietnam ; il rencontre en finale l’Ouzbékistan dans le cadre de la coupe d’Asie ; le match va se dérouler l’après-midi, en Chine, sur un terrain couvert de neige et sous la neige ; malheureusement pour nos hôtes, ils vont perdre à la française par le score de 2 contre 1 obtenu par l’équipe adverse à la 119ème mn ! le soir, les vietnamiens feront quand même la fête, pour se réjouir d'avoir été aussi loin dans la compétition.

 

Le guide nous parle des maisons au Vietnam : à la campagne, elles sont horizontales, de plain pied, en U, autour de la cour ; en ville, elles sont en tubes, appellation donnée  parce que les maisons sont très étroites (à cause du mode d'imposition), longues et hautes si nécessaire : un exemple typique avec le magasin en bas, la réception, la salle à manger, la chambre des parents et celle des grands-parents au 1er étage, l’espace pour les enfants au second étage, il peut aussi y avoir l'autel pour les ancêtres sur la terrasse du toit.

 

Dans la longueur, la maison peut être composée de plusieurs bâtiments séparés par des cours intérieures ; mais la maison traditionnelle est en pleine évolution à cause du boom de la natalité et du fait que les parents peuvent rester à la campagne et les enfants travailler en ville.

 

Il est temps de parler de notre guide, Long avec qui nous sommes restés dix jours ; il parle le français plutôt bien - qu'il n'a appris que quatre ans -, la prononciation de certains sons comme le g ou le r ne semble pas facile, en revanche il a beaucoup de vocabulaire ; quand les explications qu'il nous fournit sont un peu longues, on a du mal à savoir s'il parle du passé ou du présent, - c'est important en histoire de faire la différence -, cela est sans doute dû à une grammaire bien différente de la nôtre, où on ne conjugue pas les verbes mais où on ajoute des petits mots pour faire la distinction.

Il est capable de chanter des chansons françaises dont il connaît les textes par cœur et sans faute de prononciation ; il raconte beaucoup d'histoires et de devinettes.

 

Il est plus difficile de rentrer en discussion directe avec lui, il n'aime pas, peut-être ne nous comprend-il pas toujours ; en même temps, il aime bien nous dire qu'il en sait plus que nous…
Il est très organisé, on s'arrête régulièrement pour des arrêts-pipi , il distribue fruits coupés, gâteaux et bonbons, finalement, c'est un bon guide !

 

Les Hauts Plateaux du Centre

Mais revenons au voyage.

Il faut d’abord quitter Saïgon vers le Nord pour traverser ensuite des régions agricoles, d’abord plates et qui montent progressivement pour former de jolies collines : nous allons voir beaucoup de plantations ; d’abord, les hévéas (or blanc) aux troncs plutôt minces (on ne sait pourquoi on les imaginait beaucoup plus gros !) qu’on incise pour recueillir le latex dont on va faire une matière qu’on nomme caoutchouc ; notre guide nous dit que cela signifie l’arbre qui pleure en quechua, langue amérindienne.

C’est Alexandre Yersin, savant un temps collaborateur de Pasteur et inventeur du sérum anti-pesteux, qui fera les premières plantations d’hévéas pour financer ses recherches au Vietnam où il s’était établi. 

 

 

Notre guide nous explique à sa façon les raisons de la présence des Français et des Américains au Vietnam : les Américains sont venus pour des raisons politiques, contenir le communisme ; les Français sont venus pour des raisons économiques, ils voulaient gagner de l’argent même s’ils ont commencé par en dépenser beaucoup ; les apports sont nombreux : l’administration et tous ses bâtiments à Saïgon puis à Hanoï, le réseau ferré, et le réseau routier dans les montagnes du Nord.

Mais il y avait beaucoup à gagner aussi avec l’exploitation des bois précieux, des mines d’étain et de pierres précieuses, de charbon et de lignite, sans compter les revenus résultant de la culture de l’opium introduite par les Français.

Les bateaux venant de France amènent tous les matériaux de construction des bâtiments et des voies ferrées et repartent chargés de minerais, bois précieux et pavots.

 

 

Arrêt dans un café vongh, café avec hamacs ; pour nous, ce sera une noix de coco dont nous buvons le lait avec une paille et dont nous mangeons la chair humide qui a finalement un goût de noix de coco peu prononcé.

 

 

Nous sommes dans l’ombre d’un grand arbre, un anacardier dont le fruit a une amande extérieure, la noix de cajou ; les noix de cajou sont chères ici comme chez nous car c’est un produit d’exportation.

 

 

Petit cours du guide sur la cacahuète : c’est un fruit souterrain ; en effet la fleur de la plante qui produit ce fruit, se trouve sur une tige qui se courbe vers la terre et la perfore de façon à ce que le fruit de la fleur se développe ensuite dans la terre.

 

Nous repartons, le paysage est agréable avec ses vallonnements et sa végétation riche et on commence à voir les plantations de poivriers (liane de couleur vert clair qui s’enroule autour d’un arbre tuteur) : on voit dans les villages traversés, devant les maisons, des grains de poivre qui sèchent sur des tapis.

 

Il y a aussi des plantations de caféiers, arbustes de couleur plus foncée que le poivrier,  souvent mélangés avec les poivriers ; à noter que le Vietnam est le 2ème exportateur de café (robusta).

 

Les Chutes de Draynur

Le repas de midi, mangé très vite est assez épicé ; toujours un peu la même chose mais pas mauvais : soupe, œufs de caille (une première), poulet, porc, riz gluant, légumes et mandarines.

 

Avant d’aller à notre hôtel, nous faisons un détour pour voir les chutes de Draynur.

 

Cela nous donne l’occasion de marcher un peu pour voir ces belles chutes pas très hautes mais assez fortes ; elles réunissent en fait des eaux de plusieurs rivières ; il y a d’autres chutes un peu plus loin ; la végétation est luxuriante, tout semble pousser dans cette terre de forêt vierge, où ont été introduites tant de différentes cultures comme les hévéas, les caféiers et les poivriers.

 

 

Nous reprenons la route pour Buon Ma Thuot, où nous arrivons plus vite que prévu, un peu après 18h ; une heure de pause à l’hôtel avant de repartir en bus pour un restaurant de la ville, peu fréquenté et où l’on mange un repas plus léger que d’habitude ; nous goûtons le vin local dont nous ne pourrons dire du bien parce qu’il était bouchonné.

Retour à l’hôtel, demain on part à 7h45.

 

Le Musée Ethnographique de Buon Ma Thuot

La journée commence par la visite du musée ethnographique, pas très grand mais intéressant ; consacré aux régions des hauts plateaux et à leurs habitants, à leurs coutumes et leur artisanat.

Sur les 54 ethnies minoritaires du Vietnam (les Viet représentent 86 % de la population) sont représentées principalement ici les ethnies Éde, M’nong et Bahnar.

La région comporte encore un peu de la forêt vierge primitive avec arbres précieux, pierres précieuses (opale et saphir, jade…) et animaux sauvages (léopards, tigres, crocodiles, éléphants, …).

Le musée montre la maison longue, dont la femme est la maîtresse pour cette ethnie qui vit selon une organisation matriarcale, les mâts pour les fêtes (ça fait penser à ceux des amérindiens), les rites funéraires (statues en bois pour accompagner les morts), les rites de passage à l’âge adulte (dents limées).

La maison longue comporte une colonne sacrée (populations animistes, qui révèrent des génies qui sont les maîtres de la nature).

La maison est  structurée pour accueillir successivement la première fille, son mari et leur famille, puis les autres filles.

La femme décide pour la famille et les enfants ; dans la maison, il y a un long banc où tous les descendants s’assoient pour écouter la femme chef qui décide de tout.

L’homme vit dans la famille de sa femme, qui peut avoir plusieurs hommes, il s’occupe de la chasse et des travaux lourds ; il y a un chef de village homme pour toutes ces activités.

On élève un buffle pour le sacrifier aux génies et aux ancêtres en remerciements ;  la viande est ensuite partagée et mangée.

Jean-Marie Duchange, agent sanitaire, ni ethnographe, ni photographe, comme il le dit lui-même, va dans les années 50, réaliser de très nombreuses et belles photos en noir et blanc de ces populations qu’il va visiter ; sa fille a fait cadeau de ce trésor au musée Branly et à un musée vietnamien ; quelques unes de ses photos grand format sont exposées.

 

Nous quittons le musée subventionné par la France pour le lac Lak.

 

Le Lac Lak

Sur la route, le guide nous parle de deux ethnies, les M’nong qu’on va voir autour du lac et dont la culture était bien décrite dans le musée, et les Hmong, société patriarcale, dont quelques-uns se sont installés en Guyane (6000) pour ne pas subir le régime communiste du Nord.

Ceux restés ici vivent dans les très hauts plateaux et ne cherchent pas à communiquer avec les autres populations ; ils sont venus de la Chine au 18 ème siècle.

Les Français les appelaient les Meos (chats sauvages) ; leur culture est différente : le mari achète la femme au prix du vendeur, c’est lui qui travaille et apporte l’argent, la femme appartient au mari et doit faire le bonheur de la famille.    

Lorsque le mari n’a pas assez d’argent et que les parents de la fille l’acceptent, parce que leur fille aime l’homme, alors la seule solution pour que le mariage se fasse sans perdre la face (notre fille ne vaut pas grand-chose…), c'est l'organisation d'un rapt - la fille est bien sûr mise au courant - par le prétendant avec ses amis qui amène la femme dans sa famille ; au bout de 3 jours, il faut faire le mariage (convenances) sinon la fille retourne dans sa famille.

 

Nous traversons les mêmes beaux paysages que la veille ainsi que de nombreux villages ; nous voyons souvent un arbre aux belles feuilles rouges qui sont en train de tomber, le badamier.

 

Il fait très beau et le soleil est déjà bien haut lorsque nous arrivons au lac pour faire les activités du touriste-type.

Le groupe est divisé en deux, les uns commencent par la promenade à dos d’éléphant, c’est notre cas, les autres par la balade en pirogue.

 

Nous sommes deux par éléphant, assis sur un petit banc pas trop inconfortable ; nous formons un groupe de 4 éléphants qui va rester ensemble et prendre d’abord la rue principale du village jusqu’à la rive du lac puis pénétrer dans l’eau et longer la rive à distance ; finalement, c’est facile, on s’habitue au rythme, on n’a rien à faire, le conducteur de l’éléphant le menant avec dextérité ; le seul problème étant le soleil dont il faut se protéger et qui sera encore plus chaud un peu plus tard.

 

 

Après quarante minutes, revêtus d’un gilet de sécurité, nous voici installés dans une pirogue étroite qui file sur l’eau et nous permet d’apprécier la beauté toute bucolique du lieu ; bien sûr ce n’est pas nous qui faisons avancer la pirogue avec la rame, mais des villageois avec qui on ne communique pour ainsi dire pas !

 

 

Avant de déjeuner, nous montons en bus au-dessus du lac visiter l'ancien chalet d'été (voir ci-dessous) du dernier roi de la dynastie N’Guyen, Bao Dai.

Ce roi avait fait ses études en France et entretenait de bonnes relations avec elle. Il avait de nombreuses maîtresses et abdiqua en 1945 au profit de Ho Chi Minh qui le nomma dans un  premier temps Conseiller suprême ; il s'exila ensuite et reviendra dans son pays avec le soutien des Français ; après la défaite de Dien Bien Phu, il quitta définitivement son pays pour la France avec sa famille ; mort en 1997, on dit qu’aucun de ses descendants n’est retourné au Vietnam.

 

 

Le repas de midi est pris dans un restaurant, dont le jardin est parsemé de palmiers aréquiers (noix d'arec), où nous sommes les seuls clients, bien au frais, après la chaleur de la matinée ; pour une fois, pas de soupe mais du classique sauf pour le liseron cuit : nouilles sautées aux légumes, petits morceaux de poulet frit, porc avec riz gluant et banane en dessert.

 

 

En ce début d’après-midi, il est prévu d’assister à un spectacle de gongs et danses traditionnelles par des villageois M'nong.

On rentre dans la maison longue posée sur des pilotis par un escalier de bois et on s’assoit sur le bord gauche du plancher ; sur le bord droit sont assis les joueurs de gongs ; une villageoise nous explique les danses qui vont être exécutées par les jeunes danseuses – en fait elle l’explique au guide qui nous le retraduit - ; elles sont habillées sobrement, les danses sont simples et les danseuses jouent surtout des mains ; les joueurs de gongs font entendre des sons plutôt graves et assez répétitifs ; à un autre moment, ce sont deux joueurs de gongs qui se poursuivent, l’un avec un bouclier et un sabre et l’autre, avec une lance ; d’autres danses montrent des jeunes femmes allant chercher de l’eau dans des calebasses ; on nous invite à boire deux par deux, en face de deux danseuses, un verre d’alcool de riz pour sceller notre rencontre.

 

A la fin du spectacle, tout le monde danse avec les danseuses, on a l’impression qu’elles ont du mal à nous laisser partir, les gens semblant aimer ici communiquer avec les étrangers.

 

 

Nous allons ensuite à la découverte du village : des maisons longues partout, certaines plus propres ou aux abords plus soignés, avec leurs escaliers en bois à cinq marches (la naissance, la maladie, la vieillesse, la mort, la renaissance) ou à neuf marches.

 

Beaucoup d’antennes satellite, des jeunes avec des tablettes, tout cela va immanquablement impacter le mode de vie des jeunes ; voudront-ils continuer à vivre la vie simple et sans doute rude de ces paysans qui cultivent le riz dans les rizières au bord du lac ou seront-ils tentés par la grande ville ?

 

 

Sur le chemin du retour on s’arrête dans une plantation de poivriers et de caféiers ; c’est une belle plantation : les poivriers – lianes de 4 à 5 m de haut qui s’appuient sur un arbre tuteur – portent déjà des grains de poivre mais il paraît que cette année la récolte sera moins bonne,

 

 

et les caféiers – arbustes d’1m environ - qui portent de nombreuses et très belles fleurs blanches qui embaument l'air.

 

 

On voit aussi dans la plantation des papayes et des christophines.

 

 

Ce soir, le guide Long nous invite à prendre l’apéritif avant le repas ; c’est le deuxième depuis le début, il veut de cette manière faire mieux connaissance avec nous ; on apprend ainsi qu’il a 32 ans et qu’il est célibataire et guide depuis une dizaine d’années.

Pendant le voyage il nous apprend que sa grand-mère de 98 ans est à l’hôpital, que ça semble grave, elle a vomi du sang… ; ses parents, son frère et sa sœur, ses oncles et tantes sont déjà là pour l’entourer ; il nous dit alors que si elle décède, il va demander à son agence de trouver un remplaçant pour la suite de notre circuit.

Aujourd’hui, ça va mieux pour elle ; il nous la montre en direct sur son téléphone et discute avec elle devant nous.

 

Ce soir, au repas, on a de la soupe au crabe (pas trop appréciée de la plupart d’entre nous) et comme d’habitude, du porc, du poulet, des légumes, du riz et pour finir des tranches d’ananas.

 

Demain on part à 7h30 vers Phu Yen, il fera plus froid paraît-il.