Nous sommes donc à RONGJIANG, ville d’environ 500 000 habitants à 200 m d’altitude, où il peut faire jusqu’à 40° C l’été.
Ce matin, nous démarrons à 8h45, il fait brumeux et on attend 27° C dans la journée ; nous allons faire une balade dans un grand marché, très bien achalandé ; il y a de tout, des légumes très variés (laitues chinoises, pousses de bambou - elles peuvent croître de 27 cm par jour -), des fruits (oranges, poires, longanes proches des litchis), de la viande fraîche sur les étals, beaucoup de porc avec comme preuves de l’origine, des pieds de cochon exposés, des volailles (poules et canards) qu’on achète vivantes pour plus de sécurité et qu’on peut ébouillanter et plumer dans un local prévu pour ça, des poissons vivants, des tortues d’élevage, avec lesquelles les femmes font des soupes pour « fortifier » leur mari, du tofu - à prononcer toufu - sous toutes ses formes, du fromage noir qu’on obtient en laissant fermenter une purée de taro, tubercule des régions tropicales.
Le guide nous explique la façon de faire le tofu à partir des petits grains des haricots de soja ; c’est un processus assez long qui nécessite l’emploi d’un produit pour cailler (amidon fermenté) ; il faut mettre les grains pendant 12 h dans l’eau froide, puis les écraser avec une meule pour obtenir un jus de soja frais, le faire bouillir, l’égoutter avec un filet, le réchauffer et refaire bouillir, puis rajouter le ferment…
Nous faisons route maintenant vers JIALI, à une heure de RONGJIANG ; on rentre dans le pays DONG, le guide nous fait remarquer les ficus le long de la route ; on va voir des tours du tambour, monuments en forme de pagode avec beaucoup d’étages, au nombre variable, qui caractérise le peuple DONG et se trouvent au centre du village ou d’un clan ; en bas, il y a un espace où les hommes se réunissent pour discuter ; certains ont été détruits pendant la révolution culturelle et ont pu être reconstruits sous DENG HSIAO PING ; le tambour en haut de la tour servait à communiquer, il est souvent maintenant
remplacé par un haut parleur.
Une des particularités des DONGS est qu’au contraire des Chinois qui sont incinérés, ils sont enterrés, dans des cercueils en bois de sapin verni ; début avril, c’est la fête des morts, on prépare en ce moment des offrandes et des papiers découpés.
En route nous voyons de très belles cultures en terrasses et aussi des zones bien boisées.
On arrive maintenant au village de JIALI, où il fait assez chaud, le soleil est assez haut dans le ciel, presqu’aussi haut que chez nous au plus fort de l’été; il y a une belle et grande porte de village en bois, un ruisseau qui court au milieu de la rue principale, plusieurs tours de tambours et un pont du vent et de la pluie qui, à la limite des champs donne l’ombre pour le repos du paysan ; à côté des maisons anciennes, il y a de pas mal de nouvelles constructions en bois.
Le déjeuner dans un petit restaurant au bord de la route est très bien ; on fait une vingtaine de minutes plus tard un arrêt dans un joli coin, SIZHAÏ, un village avec sa rivière et ses belles plantations ; il y a des tours de tambours et un pont du vent et de la pluie, de vieux ficus et des gens âgés qui se reposent et avec qui le groupe essaye de communiquer malgré la barrière de la langue.
Nous repartons pour ZHAOXING, l'un des plus beaux villages du peuple DONG,
de 5 000 habitants, là où nous allons loger pendant deux nuits ; lorsque nous arrivons, un peu avant le village proprement dit, nous quittons le bus pour des voiturettes ; l’accès au village est très beau, et soigné et nous pénétrons bientôt dans ce lieu niché dans la montagne et qui s’étale le long d’une rivière.
Nous descendons des voiturettes pour aller à l’hôtel, Ecolodge, où il n’y a pas d’ascenseur et prenons possession de la chambre sans nos bagages qui ne sont pas encore arrivés ; puis nous allons visiter le village, le guide nous dit qu’il y a cinq clans, qui portent les noms des cinq vertus de Confucius, la politesse, la bienveillance, la droiture, la confiance et la sagesse ; il y a donc cinq tours du tambour, plus ou moins hautes selon le nombre de membres du clan.
Le long de la rivière, avec ses maisons en bois qui la bordent, est très bien aménagé avec des bancs, il y a des cheminées pour les repas collectifs qui font partie de la vie de ce peuple, il y a aussi sous un lieu couvert, non loin d’une tour du tambour, une télévision collective que regardent ensemble quelques personnes âgées ; sur la place du village, il y a justement un repas collectif qui selon le guide, mais ce n’est pas sûr, fêterait les enfants d’un an.
Nous voilà de retour à l’hôtel où nous avons quelques minutes de repos avant d’aller à la soirée de chants polyphoniques qui commence à 19h sur une place avec de nombreuses chaises faisant face à la scène ; au loin on entend un peu gronder l’orage mais nous allons pouvoir assister au spectacle sans pluie.
Beau spectacle de musique et chants avec des saynètes qui racontent la migration de leur peuple ainsi que quelques légendes, dont une qui est la version locale de Roméo et Juliette ; en plus de la scène, il y a un sentier proche qui grimpe dans la colline avoisinante ; une partie du spectacle s’y joue.
Il paraît que le chant est le mode d’expression privilégié des DONGS, dont la langue est complexe (elle n’avait pas d’écriture jusqu’en 1949), et difficile à comprendre ; elle comporte beaucoup de tons différents, plus que le chinois, chaque ton en chinois étant décomposé en trois tons en langue dong.
Les voix des chanteuses semblent perçantes à nos oreilles de Français.
Au repas du soir, nous avons droit à l’alcool de riz, payé par Gisèle, qui a failli faire retourner le bus sur ses pas quand elle s’est aperçue qu’elle n’avait pas son appareil photo peut-être oublié au déjeuner ; plus de peur que de mal, il est finalement retrouvé, coincé dans son siège !
Aujourd’hui on va visiter le village DONG de HUANGGANG, vieux village de 800 ans, où les villageois ont conservé les coutumes et costumes du passé intacts.
Franck, notre guide nous raconte la façon de vivre du peuple DONG ; dans les cantines collectives, ce sont les femmes qui lavent les légumes et les hommes qui coupent la viande et font la cuisine ; les hommes s’entraident pour la construction d’une nouvelle maison qui se fait de plus en plus en sapin, plus rapide à croître que le teck, qui est lui plus dense et plus solide.
Les maisons des DONGS sont plus serrées que ne le sont celles des MIAOS sur les pentes montagneuses ; c’est pourquoi il y a beaucoup de bassins contenant de l’eau pour le cas d’un incendie.
Les femmes font des batiks – tissus imprimés et colorés, selon des méthodes anciennes et un processus particulier -, on les voit ainsi « battre » les tissus, qui sont par ailleurs pendus à des fils pour sécher.
A l’entrée d’un village, il y a de grands panneaux avec les règles à respecter et des caméras partout dans le village ; celui qui enfreint les règles, se voit affiché aux yeux de tous, avec son nom ; on procède de même si quelqu’un a fait quelque chose de très bien.
Dans le village qu’on va voir, il y a un chef élu pour quatre ans, qui est l’intermédiaire entre l’état et le village ; chaque année, comme à Pékin avec l’assemblée des députés, il y a une réunion entre le chef et toute la population.
Frank nous parle également de la politique familiale qui a changé en 1983 avec le planning familial ; avant il y avait beaucoup plus d’enfants ; après il y a eu une règle : un enfant pour une famille HAN, l’ethnie majoritaire et deux enfants pour les ethnies minoritaires ; il y a moins de jeunes pour nourrir les anciens…
Il y a encore eu un petit changement en janvier 2016, la règle c’est maintenant deux enfants maximum par famille ; apparemment on peut avoir un enfant en plus (trois), mais alors il faut négocier et payer (50 000 yuans) ; si on le fait sans en avoir le droit, l’enfant n’aura pas de carte d’identité, ce qui va poser de gros problèmes, il ne pourra pas aller à l’école, par exemple.
Il faut savoir qu’ici les parents préfèrent avoir des garçons plutôt que des filles, depuis très longtemps ; cela s’explique par le fait que la fille part dans la famille de son mari et s’occupera de ses beaux-parents, c’est donc le fils (avec sa femme) qui s’occupera de ses parents ; c’est en train de changer un peu avec les nouvelles générations qui préfèrent s’établir en ville.
Il y a donc en Chine un déficit marqué de filles par rapport aux garçons qui doivent leur offrir beaucoup pour pouvoir se marier et avoir des enfants : un appartement, souvent cher, avec une voiture si possible ; les parents aident financièrement le garçon et poussent la fille à se marier, dès qu’elle a vingt ans ; apparemment notre guide a choisi une autre voie, elle vit chez son copain à Pékin.
On fait un arrêt dans la montée de la montagne, on descend sur une parcelle de rizière où le riz n’a pas encore été repiqué, afin de voir à nos pieds la belle vallée transversale dans la brume du matin.
On continue notre route, le relief karstique est plus massif, il y a beaucoup de virages, comme chez nous et on n’observe plus les formations en pains de sucre que nous avions vues les jours précédents.
Nous sommes arrivés à HUANGGANG, beau et vieux village de 2 000 habitants, situé à 600m d’altitude et qui au niveau de son développement se trouve dans l’état où était ZHAOXING il y a 10 à 20 ans ; nous allons faire une grande balade tout autour du village.
il y a un torrent le long de la rue principale, beaucoup de bassins avec des carpes, des femmes qui nettoient le linge ou les chaussures dans l’eau ; au niveau des habitations, on nous montre la maison la plus ancienne (300 ans), très solide avec des murs faits de plusieurs couches de sapin, il y a des greniers pour conserver les grains ou faire sécher la paille de riz, des locaux à cochons, beaucoup de poules et poussins un peu partout, des buffles qu’on fait se refroidir dans l’eau de la rivière car il commence à faire chaud.
Nous repartons vers le prochain village où nous devons déjeuner chez l’habitant, XIAOHUANG.
En cours de route, dans la traversée d’un village, le bus trop haut rencontre un obstacle, en l’occurrence un câble électrique qui traverse la rue ; il faudra un quart d’heure au chauffeur de bus pour soulever le câble avec une perche improvisée et libérer le bus ; dans ces zones reculées, les câbles électriques - comme on a vu au Vietnam – semblent suivre des chemins anarchiques, mais il y a peut-être de bonnes raisons qui expliquent cela.
Avant de déjeuner, on visite le village de XIAOHUANG, assez beau mais peut-être un peu moins propre que les précédents, il y a dans le ruisseau quelques emballages plastiques et d’autre saletés.
On marche beaucoup avant d’arriver à la grande maison où nous allons prendre un repas chez l’habitant dans une salle où trône dans un coin un autel des ancêtres ; il y a aussi un portrait de Mao, c’est plutôt rare ; on va manger des choses inhabituelles, des tranches de bambou tendres, des pousses de fougères ; on entend soudain l’un de nous s’écrier : ah, ces putains de tables tournantes ! Il y a vite un accident si l’on tourne la table pour faire venir à soi un plat, alors que quelqu’un d’autre est en train de se servir…
Un peu plus tard, alors qu’on a repris la route, on fait un arrêt photo pour photographier un beau village avec des rizières en terrasses et en arrière-plan un beau massif montagneux, plus élevé que les collines d’entrée de GUIYANG dans la province du GUIZHOU...
La route du retour à ZHAOXING n’est pas monotone ; on voit d’abord pas mal de zones en travaux – routes et habitations -, puis des arbres - bambous et sapins -, on traverse une ville plutôt industrielle (cimenterie, centrale thermique), on revient peu à peu vers le relief karstique et ses petites collines qui permet l’installation de villes plutôt que de villages, puis il y a de nouveau de belles vallées plates et encore des zones de constructions, évidemment moins belles, avec des terrassements de grandes dimensions ; on peut imaginer que tout cela résulte d’un aménagement du territoire décidé au niveau local ou régional…
Dans le bus, notre guide Christine, sur une question concernant Mao, nous dit qu’on parle de nouveau de lui, curieusement depuis les guerres d’Irak et de Syrie : la Chine se félicite d’être un pays uni, grâce à Mao et de ce fait de ne pas connaître le sort de certains pays arabes.
De retour à ZHAOXING, nous allons flâner dans ce très beau village, dans la rue principale, à la poste, pour envoyer des cartes postales en France puis plus haut pour voir au premier plan les bassins des rizières, le lac avec ses roues à aubes, puis le village le long de la rivière encaissé dans la montagne ; c’est très beau !